Des dés mystiques au jeu de craps : l'évolution d'un objet pas comme les autres
Publié le 26/09/2024
Les dés, ces petits objets que l’on retrouve dans de nombreux jeux, ont évolué au fil des siècles, reflétant la manière dont les sociétés perçoivent le hasard. Une nouvelle étude menée par Jelmer Eerkens, professeur d'anthropologie à l'Université de Californie, retrace cette évolution. Celui-ci a en effet passé en revue les dés antiques et les a confrontés aux dés d’aujourd’hui, en particulier ceux qui sont utilisés dans les casinos. Décryptage.
Dans l’Antiquité, des dés fortement influencés par la notion de destin
À l'époque romaine, les dés présentaient souvent des formes irrégulières et des configurations numériques non standardisées. Contrairement aux cubes parfaits que nous connaissons aujourd'hui, ces dés pouvaient être déséquilibrés, et les chiffres étaient souvent disposés sans aucune logique mathématique. Par exemple, il n'était pas rare de trouver des dés où le chiffre 1 faisait face au 2, ou le 3 face au 4, contrairement à la disposition actuelle où les faces opposées totalisent la somme de sept (1-6, 2-5, 3-4).
Cette absence de symétrie et de précision dans la fabrication des dés reflétait une vision du monde où le hasard n'était pas perçu comme un phénomène régulier ou scientifique. Les résultats des lancers de dés étaient souvent attribués aux dieux ou à des forces surnaturelles, et la fabrication irrégulière de ces objets n’était pas perçue comme influençant le jeu.
La Renaissance et l’essor d’une vision plus rationnelle de la vie
C'est au 15ème siècle, avec l'avènement de la Renaissance et l'essor de la pensée scientifique, que la conception des dés a radicalement changé. Les progrès en mathématiques, notamment le concept de probabilités introduit par des figures comme Blaise Pascal, ont influencé la manière de fabriquer les dés. Désormais, les faces opposées des dés commencent à s'additionner pour donner la somme de sept, une configuration qui garantit une répartition équitable des chances.
Cette standardisation vise à assurer que chaque lancer de dés soit véritablement aléatoire, le deuxième objectif étant d’empêcher toute manipulation. Ce changement a marqué un tournant décisif, car les « joueurs » ont dès lors adopté une vision plus rationnelle du hasard, souligne Jelmer Eerkens dans son étude.
Quelle conclusion en tirer concernant le craps ?
Le craps, un jeu de dés populaire dans les casinos, illustre parfaitement l’évolution de la fabrication des dés. Joué avec deux dés parfaitement cubiques, le craps repose entièrement sur le hasard, chaque combinaison de chiffres ayant une probabilité bien définie. Les dés utilisés dans le craps sont soigneusement fabriqués pour garantir une symétrie parfaite, évitant ainsi toute triche ou manipulation.
Ce souci de précision dans la fabrication des dés de craps découle directement de la tradition de standardisation initiée à la Renaissance ! Là où autrefois les résultats des dés étaient attribués au destin, les joueurs de craps comptent aujourd'hui sur les lois de la probabilité pour guider leurs paris. Par ailleurs, la transformation mise en évidence dans l’étude de Jelmer Eerkens reflète également l'évolution des croyances humaines, et souligne comment un simple objet peut symboliser un changement profond dans la manière dont les sociétés perçoivent le monde.