Drogue, craps et prison : l’histoire incroyable d’un détenu qui s’en est sorti grâce à un jeu de dés

Publié le 14/04/2023

Tout le monde le craignait dans les rues de Washington. Condamné à de la prison à perpétuité, le destin d’Eric Van Buren changea du tout au tout grâce à un coup de chance, en quelque sorte. Aujourd’hui de retour chez lui, ce dernier s’est reconstruit grâce aux innombrables leçons qu’il a apprises aux côtés de grandes figures du crime. Eric Van Buren, un grand amateur de craps, a également été guidé par son amour du jeu. Décryptage.

Il invente un jeu de dés en prison, et est libéré contre toute attente

Comment un homme accusé de trafic de drogue et condamné à une peine de prison à perpétuité s’est-il retrouvé à inventer un jeu de dés, Kokoro, à écrire et publier un livre, The Art of Winning Litigation, et à créer un service d’assistance et de médiation juridique ? Cette histoire incroyable, c’est celle d’Eric Van Buren, un ex-détenu de la prison fédérale de Lewisburg, en Pennsylvanie, aux États-Unis.

Diplômé du lycée Bowie (promotion de 1991), Eric Van Buren était un trafiquant de drogue notoire. Une fois arrivé en prison, ce dernier aurait pu succomber à l’amertume, d’autant plus qu’il a assisté au sort des personnes qui, comme lui, furent condamnées à perpétuité. « Certains des prisonniers étaient si malheureux qu’ils se rendaient malades et mourraient en prison. D’autres ont commis des homicides dans un accès de rage et ont fini par être condamnés à la peine de mort », explique Eric Van Buren.

L’homme qui avait 29 ans lorsqu’il entra en prison ne voulait pas finir de la sorte : « J’ai arrêté de me battre, surtout avec moi-même. J’ai accepté le fait que j’étais un moins que rien, un râté ».  Très vite, il s’inscrit à un programme pénitentiaire portant sur la gestion de la colère, l'empathie, le regret et le pardon. Puis il fréquenta la bibliothèque juridique de la prison, où il rencontra Michael Norwood, le légendaire avocat de la prison de Lewisburg. Norwood, qui enseignait le droit, prit Eric Van Buren sous son aile car il pensait que l’ex-narcotrafiquant avait des aptitudes pour la discipline.

Fan de craps, il rencontre des figures criminelles qui bouleverse sa vie

Successivement, Eric Van Buren se lia d’amitié avec des co-détenus tels que Ronald W. Pelton (un spécialiste des communications de la National Security Agency et espion pour la Russie, qui l’encouragea à lire des livres de logique), Miguel Rodríguez Orejuela (l’un des fondateurs du cartel de Cali en Colombie qui lui expliqua comment il allait réduire la durée de sa peine en toute légalité) et Jamil al-Amin, alias H. Rap Brown, un ancien Black Panther condamné pour meurtre dans une affaire en Géorgie qui, de l'avis de beaucoup, laissait planer des doutes raisonnables sur sa culpabilité. Tous, selon Eric Van Buren, ont changé le cours de sa vie en lui donnant les moyens de retrouver le droit chemin.

Aujourd'hui âgé de 49 ans, Eric Van Buren intervient régulièrement à la faculté de droit de l'université de Virginie dans le cadre d'un cours sur la réforme des peines. Il a également créé un service d'assistance juridique et de médiation et a lancé son jeu de dés en collaboration avec SCORE DC, qui offre des solutions de financement aux start-ups et petites entreprises.

« Eric est venu me voir et m’a dit qu’il avait inventé un jeu de dés, qu’il en avait fait une application et qu’il voulait le commercialiser. C’est quelqu’un de très intelligent, qui a le sens des affaires et qui parle comme s’il avait fait une école de commerce. J'ai tout de suite compris qu'il s'agissait d'une personne spéciale. Le système pénal fait tout son possible pour vous écraser. Si cet homme en est sorti grandi, cela en dit long sur qui il est », explique le patron de SCORE DC.

La fascination d’Eric Van Buren pour les dés ne date pas d'hier. Son père, qui avait servi dans l'armée de l'air pendant la guerre du Vietnam, savait comment jouer au craps et a enseigné les rouages du jeu à son fils. « Il est devenu curieux après avoir regardé une émission de télévision sur les casinos », se souvient son père. « Je lui ai donc expliqué comment cela fonctionnait et quelles étaient les chances de gagner. C'est fou de se dire qu’on peut expliquer quelque chose à un enfant, et qu’il ne l’oublie pas, même des décennies plus tard ».